Les fleurs en pointe et les principes de design.
Par Isabel Harrisson
Chaque élément, qu’il soit naturel ou non, possède un potentiel qu’il faut apprendre à voir, puis à utiliser. Les fleurs avec une forme dynamique, en pointe ou en flèche en sont un très bel exemple.
Depuis le début de la saison froide, je passe régulièrement à côté d’un sumac vinaigrier et, parce que c’est l’hiver, il ne lui reste plus que ses fruits… à chaque fois que je le vois, je suis émerveillé par la belle démonstration qu’il me donne sur l’utilisation des fleurs en pointe selon nos techniques de base, nos principes de design.
Cet arbre est une vraie formation à lui tout seul et nous prouve à quel point, lorsque l’on se pose des questions à savoir comment placer nos fleurs et nos feuillages, la réponse se trouve souvent juste sous notre nez !
En premier lieu, les principes de design, c’est quoi ?
C’est un guide qui gouverne l’organisation des éléments en concordance avec les lois de la nature. En clair, ça veut dire que ce sont des outils qui nous aident à placer les éléments dans nos compositions pour exploiter au mieux leur potentiel, selon les observations qu’y ont été faites dans la nature.
Les principes de design existent depuis l’antiquité et sont utilisés par tous les corps de métier ou il est question d’esthétisme. On les retrouve donc autant en architecture, en peinture qu’en haute couture, qu’en infographie ou en conception de jeu vidéo, c’est presque partout ! Il est important de comprendre pourquoi il est si utile de les connaitre : on veut tous faire de belles compositions sans se casser la tête !
La meilleure façon de se faciliter la vie
C’est de connaitre et de maîtriser ses bases, et le meilleur maître pour nous les apprendre, c’est l’observation. J’ai beau savoir que l’unité est un principe de design et que l’opposition est un principe secondaire de design, si je ne m’arrête pas 2 secondes pour voir et comprendre où sont ces règles dans la nature, je vais avoir beaucoup de mal à les appliquer avec mes fleurs. C’est pourquoi ce sumac vinaigrier est si impressionnant, parce que la leçon est limpide !
Regardez le fruit de cet arbre, comme des fleurs en pointe!
C’est une pointe, une flèche si vous préférez. Cette flèche se dresse au bout d’une branche qui possède une très belle ligne. Décortiquons ce que l’on voit : portez attention au niveau ou se présentent les fruits, ils sont tous grosso modo à la même hauteur, au sommet de l’arbre. Cela nous donne un bon indice sur la position que doivent avoir ces types de fleurs dans nos compositions. De plus, les fleurs en pointe possèdent souvent une belle et longue tige, qu’il faut éviter de couper, ce qui facilite l’exercice.
Pourquoi devrait-on placer les fleurs en pointe plus haute que les autres, encore une fois la réponse est dans cet arbre : l’impression de mouvement que lui confèrent ses fruits. Une pointe, une flèche, c’est un mouvement, une direction. Si on écrase le mouvement, on écrase ce pour quoi la fleur est belle.
C’est pourquoi un calla dans un bouquet rond sera toujours plus beau s’il est travaillé un peu plus haut que les autres fleurs, même chose pour le freesia (principe de relief) c’est pourquoi l’héliconia sera toujours plus impressionnant placé au-dessus des autres fleurs (principe de dominance), parce que c’est son essence, sa nature, il est fait comme ça.
Observons à présent les branches de cet arbre. Sur une branche principale, on a plusieurs courtes branches dont la flèche des fruits pointe toutes dans la même direction. Aussi, sans être collés les unes aux autres, on sent bien qu’elles ont le même point de croissance. Ce sumac vinaigrier vient de nous donner une seconde leçon, le groupement (technique de design). Faire un groupement, c’est prendre plusieurs éléments pareils (2 roses orangés, 3 oiseaux du paradis, etc.) et dans faire une équipe : ils ne se touchent pas, mais on sent bien qu’ils sont ensemble et qu’ils vont dans la même direction 😉 Chaque branche principale possède ainsi son ensemble de branches plus petites et sa direction propre. Cet arbre vient de nous apprendre que dans une même composition, on peut avoir plusieurs groupements.
Prendre un peu de recul pour observer l’ensemble de l’arbre.
Un tronc, un point de croissance unique. De ce tronc partent toutes les branches principales qui, comme on l’a vu plus haut, partent de petites branches au sommet desquels sont les fruits, qui ont une direction commune. Et cette direction commune est le centre de l’arbre. Tous les fruits du sumac vinaigrier pointent vers le centre de l’arbre et aucun ne déroge ! C’est un mouvement très fort, très clair qui ramène mon regard à l’intérieur de cet arbre, car toutes les flèches pointent vers le centre, vers le tronc, vers le point de croissance. Dans notre jargon, on pourrait dire que chaque groupement est en opposition.
C’est une autre grande leçon de cet arbre : nous avons le pouvoir de diriger, de faire voyager le regard de nos clients dans nos compostions selon la direction que nous donnons à nos fleurs en pointe. On peut ramener le regard à l’intérieur d’un arrangement ou, au contraire, l’en faire sortir selon la direction de la flèche pour amener son attention ailleurs… ou on le désire. C’est aussi de cette façon qu’on peut créer de la tension (principe de design), une émotion, un impact.
Notre environnement truffé de principes de design
Un collègue de travail m’a déjà dit que nous avions un métier qui cri que l’on aime la nature. J’ajouterais que la nature est la base de ce métier et qu’avec un peu d’observation, elle est un outil formidable pour une meilleure compréhension de nos techniques.
Lorsque nous avons une panne, on peut toujours faire appel à un collègue pour trouver ce qui cloche ou ne va pas dans notre composition. On peut aussi prendre l’air et chercher dans le livre de la nature, toujours ouvert et accessible. De précieuses notes, immuables et fascinantes.
Des commentaires et des questions ?
Avez-vous dans votre approche avec vos clients de faire le lien avec la nature pour exprimer ou expliquer votre travail ?
Est-il possible de voir la possibilité qu’une meilleure compréhension de notre vocabulaire soit un avantage distinctif pour notre profession ?
Laisser un commentaire